Prévention des risques de blessures en course à pied

Les conseils du préparateur physique

Prévention des risques de blessures en course a pied

Prévention des risques en course à pied

Compte-rendu de la conférence de Blaise Dubois, le 1er décembre 2010 à Saint-Etienne

Voici un compte-rendu que j’avais écrit il y a bientôt 13 ans : est-il toujours d’actualité ? 

Jean-Pierre Molinari 

Introduction

J’ai été invité par Guillaume Millet, Docteur en physiologie de l’effort, chercheur au centre hospitalier de Bellevue à St Etienne, excellent Ultra traileur (3eme, 4eme et 5eme de l’Ultra Trail Mont Blanc en 2005, 2006, et 2007, vainqueur de l’ultra Trail du Ventoux, 3eme du Tor des Géants en 2010) à assister à la conférence de Blaise Dubois, physiothérapeute Québécois.

Le thème de la conférence portait sur les préventions des risques et blessures en course à pied.

A la fois enrichissante mais également très dérangeante, l’intervention de Blaise Dubois a conforté mes certitudes en terme de renforcement musculaire, a renforcé mes ressentis en terme de soit-disantes « technologies » proposées par les équipementiers et autres fabricants de chaussures « toutes aussi efficaces les unes que les autres » et m’a également ouvert de nouveaux horizons dans le domaine de l’entraînement.

Le compte rendu qui suit se veut modeste car, bien qu’abordable au grand public, les contenus proposés par Blaise Dubois étaient très denses et je n’aurais pas la prétention d’avoir pu tout assimiler.

Partie 1 - Des constats

Les chaussures de course à pied proposées par les grandes marques sont de plus en plus pourvues de technologie, les semelles, en l’espace de 30 ans ont gagné en épaisseur de façon impressionnante, et pourtant, 80% des coureurs se blessent ; on se blesse de plus en plus et les blessures sont de plus en plus graves et de plus en plus difficiles à soigner.

Le stress engendré par la pratique entraîne immanquablement une dégénérescence des tissus (cartilage, muscle, tendons…) mais le stress ne doit pas être entrevu que sous l’aspect négatif, en effet, tout est une question de dosage du volume et de l’intensité de l’entraînement : Trop de stress est synonyme de blessure, pas assez de stress ne produit aucun effet sur l’état de forme.

Il convient donc de trouver le bon niveau de stress, répétitif et régulier, qui permettra aux tissus de se solidifier et de se renforcer ; le corps s’adapte et ressort plus fort d’une contrainte engendrée par l’entraînement. Mais le corps ne peut s’adapter que si le stress appliqué n’est pas plus grand que sa capacité d’adaptation. Chaque nouveau stimulus se doit d’être intégré progressivement dans l’entraînement.

La blessure n’est qu’une « mal adaptation », un échec de la pratique.

On distingue 2 types de stress :

1) Le stress issu de facteurs intrinsèques : Il s’agit du stress ayant pour origine des facteurs mécaniques. Un manque de stress entraîne une fragilisation de l’organisme, trop de stress mécanique engendre des douleurs pendant, après et avant l’effort. Les tissus souffrent, il n’est pas normal d’avoir mal le matin au réveil. Il convient donc de trouver la bonne zone d’adaptation propre à chacun, on touche ici à la notion de quantification du stress. Les anti-inflammatoires, en masquant partiellement la douleur, ne favorise pas l’adaptation tissulaire.

2) Le stress issu de facteurs extrinsèques : Il s’agit du stress ayant pour origine des facteurs tels que volume et intensité de l’entraînement, dénivelé, surface, changement de chaussures, froid, chaleur, humidité…. D’une façon générale, on observera la plus grande prudence lorsque les facteurs extrinsèques se modifient (passer d’une surface souple, sous les tropiques, avec une température élevée à une surface dure, gelée, dans des conditions humides relève du suicide articulaire et musculaire !).

Les chaussures proposées par les fabricants multiplient des concepts technologiques… jamais vérifiés en laboratoire. On lance au consommateur de la poudre aux yeux ! Le coureur se retrouve surprotégé et pense pouvoir prendre beaucoup plus de risques avec du matériel qui, au final, ne fait que fragiliser les structures anatomiques (os, cartilage, tendons, muscles…).
Il faut savoir également qu’une paire de chaussures représentant 1% du poids du corps augmente de 3% la consommation d’oxygène, ce qui au final, aura des répercutions sur le coût énergétique.

Partie 2 - Des propositions

On en dénombre principalement 6 :

1) Revenir à des chaussures que Blaise Dubois appelle « minimalistes », pourvues d’une très faible semelle et d’un pouvoir amortissant très limité. C’est le corps qui doit apprendre à se protéger et l’on ne doit plus compter sur du matériel qui n’a jamais fait ses preuves. Mais attention, au début, on veillera à ne porter ce type de chaussures pas plus d’une minute par jour et l’on augmentera le port d’une minute chaque jour. On trouvera sur le site www.lacliniqueducoureur.com tout un panel de chaussures tant typées « route » que « trail » que Blaise recommande.

2) Il faut trouver le bon rythme au niveau de la pause du pied. En effet, on dénombre parfois 140 pas par minute chez certains coureurs, ce qui, d’après Blaise, est une hérésie, le bon rythme se situant au-delà de 170 pas par minute. En effet, pour minimiser la force d’impact, la perte d’énergie et le risque de blessure, il est préférable d’augmenter la fréquence des pas. L’augmentation de la vitesse ne doit pas se traduire par une augmentation de la longueur de la foulée mais par une élévation du nombre de pas par minute. Lors des séances de rythme (VMA, seuil), on doit monter jusqu’à 185 pas par minute.

3) Le volume d’entraînement : Il convient d’augmenter très progressivement le volume d’entraînement à raison de 10% maximum par semaine. Les séances de rythme (intensité) ne dépasseront pas 3% du volume total. En période de surcharge, on effectuera des transferts sur des activités telles que vélo de route, VTT, natation, aqua-jogging). Le dénivelé sera incorporé progressivement dans l’entraînement et l’on sera particulièrement prudent aux chocs consécutifs aux parties descendantes. On cherchera enfin à varier le plus possible les surfaces afin de solliciter l’organisme sous différents angles.

4) L’homme préhistorique ne portait pas de chaussures mais il était pourtant capable de courir et marcher plus de 30km par jour. Il faut réapprendre à courir et marcher pieds nus. C’est en courant pieds nus que l’on découvrira sa véritable foulée. Les entraîneurs de tous bords nous rabattent les oreilles depuis plus de 50 ans que la meilleure foulée se décrit comme suit : On attaque du sol par le talon, on enroule et on stabilise par la plante de pied et on pousse par la pointe de pied. Sauf que lorsqu’on court pieds nus, on n’attaque pas le sol par le talon ! Courir ou marcher pieds nus est un bon moyen pour renforcer les structures de soutien responsables de l’absorption des chocs et ainsi prévenir bon nombre de blessures.

5) Les étirements : A manier avec grande précaution d’après Blaise Dubois ! 

En cela, il rejoint les théories du regretté Gilles Cometti (Maître de conférence à l’université de Bourgogne) qui avait « démonté » les étirements de récupération et d’échauffement : Un étirement bien fait entraîne le réflexe myotatique du muscle qui, lorsqu’on l’étire, a un réflexe de protection qui consiste à se raccourcir. Les deux actions s’opposant, des fibres musculaires cassent et l’on obtient le contraire de ce qu’on recherchait. On aggrave la fatigue plutôt que de récupérer. Il en est de même pour les étirements statiques pratiqués lors de l’échauffement où l’on presse le muscle comme une serpillière, en chassant ainsi les masses de sang et retardant d’autant l’élévation en température du muscle.

Les seuls étirements qui semblent intéressants d’après Blaise sont ceux pratiqués sous une forme balistique du type balancés de jambes.

6) Le renforcement musculaire : Dans le but de prévenir les blessures en rendant le coureur plus fort, le corps peut être solidifié par un programme spécifique de musculation. Blaise Dubois présente sur le site www.lacliniqueducoureur.com toute une série d’exercices favorisant le renforcement.

Conclusions et perspectives

Blaise Dubois remet ouvertement en cause le concept de l’amorti dans les chaussures de course à pied modernes. Selon lui, les technologies avancées par les fabricants n’ont jamais fait leurs preuves et se révéleraient même dangereuses dans le sens où le coureur se croyant protégé aura tendance à prendre plus de risques, entraînant ainsi des blessures de plus en plus fréquentes.
J’ai été très sensible au discours du conférencier car j’avais pressenti, à titre personnel, dans un autre sport et il y a fort longtemps, le même type de problème : Il m’étais arrivé, dans un soucis de protection, de porter un casque lors d’assauts en boxe poings-pieds…j’ai souvenir avoir eu beaucoup plus mal à la tête que lorsque je ne portais pas d’équipement particulier. La seule raison plausible étant que, me croyant protégé, je pensais pouvoir prendre beaucoup plus de coups.
Blaise Dubois m’a paru faire preuve d’une grande logique, proposant des techniques naturelles telles que la course pieds nus, le renforcement musculaire, la
progressivité dans l’entraînement.
J’ai l’intention de faire l’acquisition de chaussures « minimalistes » mais je resterai extrêmement prudent dans leur utilisation, et puis j’attends impatiemment les beaux jours pour aller courir pieds nus car par moins 15°…ce ne serait sans doute pas raisonnable !

La grande morale de l’intervention de Blaise Dubois restera sans doute un des passages de sa présentation où il nous a dit qu’au moins 25% de ce qu’il allait exposer était sans doute faux, mais qu’il ne le savait pas aujourd’hui… à nous de découvrir ce qui vaut la peine d’être retenu.

Je renvoie celles et ceux qui voudraient approfondir le sujet au best seller que fût BORN TO RUN de Christopher Mc Dougall

N’hésitez pas à m’envoyer vos commentaires : jpmolinari.lhp@laposte.net

A bientôt pour de nouveaux conseils !